Homélies/Méditation

“Je ne suis pas venu pour être servi…

Jn 18, 33b-37 En ce dernier dimanche de l’année liturgique, nous célébrons le Christ Roi de l’univers et nous Lui adressons notre louange et notre adoration : “A Lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles”. (Ap 1,6).  Oui, mes frères, le “spectacle” qui s’offrait il y a vingt siècles sur le Golgotha -probablement le 7 avril de l’An 30, n’avait rien de ragoûtant. Et pourtant ! C’était bien le Vrai Roi de l’univers qui était là, suspendu sur le Bois d’infamie. Dans les évangiles, on mentionne le royaume de Dieu 122 fois et 90 fois l’expression est utilisée par Jésus lui-même, mais jamais dans le sens de pouvoir politique. Mais il est clair que le Christ est le « roi du royaume de Dieu »

Lorsque le pape Pie XI, en 1925, institua cette fête du Christ-Roi, cela provoqua un étonnement encore partagé par certains. S’il y a eu étonnement, c’est justement parce que le Seigneur, dans toute sa vie, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, est apparu comme le contraire d’un roi, un anti-roi.

Quoi donc ! Un roi, cet enfant, réfugié, né dans la paille d’une étable ! Un roi, cet apprenti menuisier ou charpentier ! Un roi, ce vagabond qui n’a pas une pierre pour reposer sa tête, qui va, de village en village, annoncer que les pauvres, les doux, les affamés de justice, les artisans de paix seront bienheureux, alors que justement, un Royaume s’appuie d’abord sur la richesse, la force, les privilèges et le prestige !

Un roi, ce condamné à mort au supplice de la croix : le supplice réservé aux esclaves, couronné par dérision d’une coiffe de ronces avec dans la main, un roseau tenant lieu de sceptre !

Un roi, c’est un homme qui est fin, qui commande, qui se fait servir, qui est entouré de toute une cour brillante et luxueuse. Or, Jésus, lui, est humble, il ne commande pas, il conseille, il lave les pieds des autres. Quant à sa cour : il est entouré d’une bande de va-nu-pieds qui ne comprend pas grand-chose à ce qu’il dit et à la fin il n’a même pas dix sujets pour l’accompagner lors de son trépas.

Et pourtant, vous l’avez entendu de vos propres oreilles, dans la lecture de l’Evangile, lorsque Pilate l’interroge, lorsqu’il se trouve bafoué, méprisé et hué par la foule : « Es-tu le roi des juifs ? » Jésus répond avec assurance : «’’ Oui, je suis roi, mais, (faisons bien attention à ce petit ‘’mais’’), ma royauté ne vient pas de ce monde’’. Ah ! Si ma royauté était terrestre, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour moi. Non, ma royauté n’est pas d’ici ». Voilà le mystère. Pilate lui dit alors : « Donc tu es roi ? » Et sans hésiter, Jésus répond nettement : « Tu l’as dit, je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui est dans la vérité, entend ma voix ». Quel est donc ce Royaume dont Jésus est le souverain ? Et qu’est donc cette royauté dont nous célébrons aujourd’hui la fête ?

C’est tout d’abord, une royauté de Vérité : « Je suis venu pour rendre témoignage à la Vérité ». Il le dit tout net, il n’est pas roi à la manière des rois de la terre : ceux qui font, tous les six mois, des promesses à leurs peuples, en leur disant que ça ne va pas très bien aujourd’hui, mais que l’année prochaine, tout sera remis en ordre.

Si l’on relisait, mes frères et sœurs, tous les discours des hommes politiques, toutes les promesses qu’ils ont faites, tous ces programmes magnifiques, toutes les annonces de ‘’lendemains qui chantent’’, et cela, d’ailleurs, quels que soient leurs partis, nous dirions aussitôt : « Que tout cela est loin de la vérité ! » et nous serions tentés de reprendre le mot de Talleyrand, qui en savait lui-même quelque chose : « C’est effrayant ce que peuvent peu ceux qui peuvent tout ! Aussi sont-ils obligés de faire sans cesse des acrobaties verbales pour essayer de faire croire ce qui n’est guère crédible…

Le Christ, lui, dit au monde, sans démagogie, avec, au contraire, un appel à des exigences personnelles : « Je suis la Vérité, je suis la lumière ; celui qui me suit ne marche pas dans le noir ». Il va jusqu’à nous dire : « …qu’il faut perdre sa vie pour la gagner, que la porte est étroite, que la route n’est pas facile et que celui qui se laisse aller est en train de se perdre ». Royaume de Vérité, où ce qui est ‘’oui est oui’’ et ce qui est ‘’non est non’’. Vérité qui peut faire mal mais Vérité qui ne transige pas : épée qui tranche en nos cœurs entre le bien et le mal.

Royaume de Vérité mais aussi Royaume de Service. Un roi, un gouvernant, un homme important est entouré de courtisans, de valets du régime, de fonctionnaires de toutes sortes qui se mettent à son service, qui obéissent au moindre de ses désirs, qui exécutent la plus petite volonté, gardes du corps, huissiers….

Or, que dit le roi que nous fêtons aujourd’hui : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir, me mettre à la disposition des hommes, de tous les hommes, pour les sauver ». Jésus nous le dit explicitement dans l’Evangile : « Les rois de la terre agissent en Seigneur ; ils tiennent les nations sous leur pouvoir et leurs peuples sous leur domination ! Qu’il n’en soit pas ainsi pour vous ! Bien au contraire, celui qui veut être grand, qu’il se fasse le serviteur des autres, et celui qui veut être le premier, qu’il se fasse l’esclave des autres. C’est ainsi que le fils de l’homme est venu, non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude’’. »

Le pouvoir n’est pas d’abord une affaire de droit sur les autres, mais une affaire de devoir c’est-à-dire de service et d’amour. Royaume de Vérité, Royaume de service, le Royaume de Jésus va beaucoup plus loin encore : c’est un Royaume d’Amour. Là encore la différence est grande entre les pouvoirs de la terre et celui du fils de l’homme. Les princes, les gouvernants donnent des places, des décorations, des allocations, des dignités, des subventions.

N’attendez rien de tout cela de Jésus-Christ : il n’a pas à se faire bien voir. Il n’a rien à donner ; il va faire beaucoup plus : il va se donner et donner sa vie par amour pour nous : amour gratuit, désintéressé. Ce n’est même pas notre bien-être qu’il cherche, c’est tout simplement notre être et son salut. Il est celui qui se jette à l’eau pour sauver celui qui se noie, qui se jette dans le feu pour sauver ses enfants, qui donne sa vie pour être le sauveur des hommes.

Or, « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime ». Ce roi-là, c’est celui qui est en croix, pour nous, à notre place et qui crie à son père : « Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » et dont la pancarte au-dessus de sa tête sanglante proclame sur l’ordre de Pilate : « Jésus de Nazareth, roi des juifs ». Il ne croyait pas si bien dire Pilate, c’était plus encore que cela ! Pas seulement ‘’roi des juifs’’ mais ‘’Roi, sauveur du monde entier’’, qui s’offre à son Père pour la rémission de toutes les fautes des hommes de tous les siècles.

 Jésus, ‘’doux et humble’’ de cœur, n’est pas un roi lointain : pas besoin de lui demander une entrevue, une audience. A chaque communion, il se donne à nous, il nous donne sa vie pour que, nous aussi, à son exemple, nous puissions établir en nous et autour de nous :  un Royaume de Vérité où le mensonge est aboli ; un Royaume de Service où nous ayons à cœur de devenir

serviteurs des autres ; un Royaume d’Amour où chacun pourra aimer ses frères, comme lui-même nous aime.

 Sources : Revue Feu nouveau – Homélies pour l’année B (A Brunot) – Lectures bibliques des dimanches (A Vanhoye) – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes (JP Bagot) – Les entretiens du dimanche (Noël Quesson) – Lectures d’Évangile d’un vieux prêtre de Montpellier (année B)

Abbé Willy Mirindi

Homélie pour le 34ème dimanche ordinaire

24 novembre 2024

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