Homélies/Méditation

A qui irions-nous Seigneur ?

Jn 6, 60-69 Aujourd’hui, c’est le dimanche du choix. Josué, dans la première lecture, pose aux gens de son peuple la question suivante : « S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez qui vous voulez servir… et il ajoute : Quant à moi et ma famille, nous servirons Jahvé ». Et Jésus à la fin du discours eucharistique dit : « celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ». Le résultat sur l’auditoire, vous le connaissez : il est catastrophique, il est double. C’est le scandale et le refus de la grande majorité des gens, mais aussi la crise de foi, de fidélité du petit noyau qui entoure Jésus : « Ce qu’il dit est intolérable ! On ne peut pas continuer à l’écouter ». Alors ? Qui part ? Qui reste ? La question de confiance est posée !

Eh ! Voilà ! Ils sont tous partis ou presque ! Quoi d’étonnant ? Mais, Seigneur, pourquoi leur avoir dit des choses pareilles ? Hier, ils étaient cinq mille, tous prêts à former une armée et toi, tu leur racontes que ton corps est une nourriture et ton sang une boisson ! C’est la crise, la crise de confiance, la crise de foi. Alors qu’hier ça marchait bien : il avait multiplié les pains, immense geste du partage. Toute la foule avait mangé à sa faim ; il n’en fallait pas plus pour qu’elle s’attache à lui… s’il en faisait autant tous les jours !

Oui, voilà, le roi qu’il nous faut : oui, mais voilà ! La royauté du Christ est ailleurs. Jésus n’est pas un ministre de la Sécurité sociale ou de la consommation ou du ravitaillement. « Vous vous intéressez à moi parce que je vous ai nourris hier. Mais le pain que je vous propose est ailleurs, c’est « autre chose » : il choque les uns, il déçoit les autres, mais l’Eucharistie va exiger de chacun une réponse, ou bien « Je ne crois pas et je m’en vais », ou bien « Je crois et je reste ». Un choix aussi fondamental que celui de laisser Dieu entrer dans notre vie doit être refait régulièrement et doit être accompagné d’actions concrètes d’amour, de charité et de partage.

Les personnes qui s’aiment ne se choisissent pas seulement le jour des noces. Le choix doit être fait et refait des milliers de fois à travers les années, dans les temps de bonheur comme dans les périodes plus difficiles. Dans le « je t’aime » entre époux, dans notre désir d’aimer, il y a déjà une présence mystérieuse de Dieu qui fonde notre amour humain dans son amour divin. La lettre aux Ephésiens de ce dimanche illustre une situation de crise. Certes, une lecture féministe superficielle peut nous amener à juger ce texte comme rétrograde voire scandaleux, favorisant l’inégalité entre la femme et l’homme.

Saint Paul nous rappelle que L’amour des époux doit être comme l’amour du Christ pour son Eglise, un amour qui dure. « Soyez soumis les uns aux autres » (Ep 5,21), ne veut pas dire : « Obéissez comme des esclaves » ; mais : « Soyez un soutien les uns pour les autres ». Paul demande qu’à l’intérieur de la communauté chrétienne chacun tienne sa place en se référant à Jésus.

Abordant la vie conjugale, il ne peut réclamer la soumission aveugle de la femme à son mari, ni prétendre que le mari tienne la place du Christ pour sa femme : mari et femme sont tous deux soumis au Christ et soumis l’un à l’autre, comme chaque chrétien l’est à ses frères et sœurs… Ainsi donc, le couple chrétien apprend à entrer dans ce chemin de l’amour oblatif. Si ce passage ne se fait pas, les époux pourront se dire, comme le Christ dans l’évangile, « toi aussi tu veux me quitter ? ». Les époux, comme le Christ dans l’Evangile, pourront poser la question essentielle : « de quel amour m’aimes-tu ? » Ainsi chacun est amené à reconnaître en son propre fond ce qu’il a reçu de Dieu.

En ce qui concerne l’évangile de ce dimanche, il est bon de constater que les départs n’ont pas été inventés par les gens d’aujourd’hui ! De temps à autre, nous pouvons réfléchir sur ces départs et nous interroger sur notre propre fidélité. On ne peut rester fidèle que si l’on est en amour. Comme les disciples, nous aussi, dans notre vie chrétienne, nous avons des moments difficiles : périodes de découragement, de sécheresse dans la prière, de lassitude, impression que Dieu nous oublie, révolte contre Dieu à l’occasion d’une épreuve, d’un deuil.

Notre foi est souvent mise à l’épreuve : autour de nous, on tourne l’église en dérision, nos voisins vivent dans une indifférence tranquille à l’égard de Dieu et ne s’en portent pas plus mal et même dans nos familles, nos enfants, nos petits-enfants cessent de fréquenter l’Eglise et ne reçoivent même pas d’éducation chrétienne. Puis Dieu, aujourd’hui, semble tellement absent, ignoré, rayé des comptes, alors, nous aussi parfois, nous sommes tentés de tout laisser tomber, de déserter. On dit : « J’ai perdu la foi ! » Mais non ! On n’a pas perdu la foi : tout simplement, ce sont de gros nuages qui passent et qui font qu’on n’y voit plus clair du tout. Alors, au lieu de quitter le Christ, il faut au contraire nous rapprocher de lui, lui redire notre attachement et notre volonté de lui rester fidèle.

Aujourd’hui, Jésus, à nous aussi, nous repose la question de confiance : « Voulez-vous partir vous aussi ? », « A partir de ce moment, beaucoup de disciples s’éloignèrent et cessèrent d’aller avec lui ». Jésus se tourne vers les douze et Jésus se tourne vers nous aussi aujourd’hui : « Et vous, voulez-vous partir vous aussi ? » Alors, Simon Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? » Vers l’argent, vers la réussite d’une carrière, vers la domination des autres, vers le plaisir, vers le confort ? Vers le laisser aller ? « A quoi irions-nous, Seigneur ? ». « Nous ne comprenons pas toujours clairement ce que tu nous dis, mais nous avons décidé de te suivre, nous voulons t’aimer, tu nous as choisis, nous décidons de t’écouter, de nous attacher à toi, de travailler avec toi pour toi. Toi, tu as les paroles de la vie éternelle ». 

Pourquoi limiterions-nous Dieu à ce que nous sommes capables de comprendre ? Il nous dépasse de partout. Nous savons, nous, que la route passe par la Croix, par le don de sa vie, tous les jours, et que la route de notre amour et de notre foi implique joie autant que renoncement, partage, oubli de soi, pardon envers et contre tout. Resterons-nous quand même comme Pierre, prêts à suivre « celui qui a les paroles de la vie éternelle » ? La tentation est grande de dire « oui » du bout des lèvres, sans risques. Mais la question du Christ est exigeante. Notre réponse aussi doit être exigeante : elle doit nous engager. Pour nous, quand les nuages s’amoncellent, quand les doutes surviennent (ces doutes, ils font partie de notre foi), écoutons le Seigneur qui nous dit du fond du cœur : « Tu sais, je suis toujours là, bien présent, bien vivant, même quand tu n’y penses pas ! », « Vas-tu donc me quitter, toi aussi ? ». Répondons-lui, comme Pierre : « A qui irais-je ? A qui irions-nous ? Tu es le chemin, Tu es la vérité, Tu es la vie. Nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu ».

Sources : Revue Feu nouveau – Homélies pour l’année B (A Brunot) – Lectures bibliques des dimanches (A Vanhoye) – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes (JP Bagot) – Les entretiens du dimanche (Noël Quesson) – Lectures d’Évangile d’un vieux prêtre de Montpellier (année B)

Abbé Willy Mirindi

Homélie pour le 21ème dimanche ordinaire

25 août 2024

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