Homélies/Méditation

La première en chemin,

Lc 1, 39-56 Mes chers frères et sœurs, il y a une résonnance particulière dans cette belle fête de l’Assomption de la Vierge Marie avec une autre solennité mariale importante : celle de l’Immaculée Conception. Ces deux solennités mariales se répondent à moins d’un siècle de différence. Ces deux fêtes mariales sont l’objet toutes deux de déclaration dogmatiques : l’Immaculée Conception le 8 décembre 1854 ; l’Assomption le 1er Novembre 1950. Le dogme de l’Immaculée Conception concerne le début de l’existence humaine de la Vierge ; l’Assomption la fin. Outre ces résonnances, le dogme de l’Assomption répond en quelque sorte à celui de l’Immaculée Conception ; il en est une conséquence. En mots clairs, nous croyons que la Vierge Marie, la toute Belle, a été préservée des conséquences du péché, elle n’a pas été blessée par le péché comme c’est le cas pour tous les autres hommes et femmes.

C’est grâce à sa pureté et à son statut tout à fait spécial en tant que Mère de Jésus-Christ, Mère de Dieu, qu’elle a été élevée, corps et âme, au Ciel après sa mort. Ainsi est-elle la première qui a pu profiter pleinement de ce que son fils nous a ouvert par sa Mort et sa Résurrection, c’est-à-dire l’accès à la vie en plénitude auprès de Dieu.

En ce jour, je vous propose de méditer autour de 3 mots qui caractérisent le cheminement de ceux qui s’avancent vers le Ciel : joie, courage, espérance.

1] Quels sont les motifs de la joie de Marie. Elle nous en donne quelques bribes dans son magnificat que nous avons entendu dans l’Évangile. Marie se sait l’objet d’une attention toute particulière de la part de Dieu : « Il s’est penché sur son humble servante. » Elle a conscience de ce que Dieu a fait pour elle : « Le Puissant fit pour moi des merveilles ! » Mais Marie ne se réjouit pas seulement pour elle-même. Elle se réjouit de l’action de Dieu envers ceux qui se confient en lui : « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. » Et en particulier envers les pauvres et les petits.  Bref, dans la Sainte Vierge, la joie surabonde. Elle a la plénitude des joies du ciel.

En cette belle fête de l’Assomption, Marie nous invite donc à la joie mais pas n’importe quelle joie. La joie de Marie n’est pas d’avoir gagné au loto. Ce n’est pas d’abord une joie d’ordre matériel. C’est une joie qui concerne avant tout la relation avec Dieu, un Dieu qui nous aime.

A la suite de Marie, c’est pour nous l’occasion de magnifier le Seigneur  pour la belle grâce de notre baptême qui a fait de nous ses enfants et nous a purifiés du péché originel.

« Ne savez-vous pas qu’à partir de votre baptême vous êtes devenus temples de Dieu, temples de Jésus Christ, Temple du Saint Esprit ? Le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. » (cfr 1 Co 3)

Le Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, vient faire sa demeure en nous. Vous savez, c’est triste une maison inhabitée. C’est triste quelqu’un qui n’est pas habité par Dieu. Mais justement, nous avons cette chance, cette grâce d’être habités par Dieu. Nous ne sommes plus seuls. Dans les moments d’obscurité, dans les moments d’épreuve, il est terrible d’être seul. Mais Marie nous rappelle que nous ne sommes pas seuls.

2] Courage : dans la première lecture – de l’apocalypse –, nous voyons qu’il y a un vrai combat. Cela peut nous faire un peu peur. Mais en même temps c’est la réalité de notre vie. La victoire ne vient pas toute seule.

Comme on le sait, l’Apocalypse s’adresse à des chrétiens persécutés pour les soutenir dans leur épreuve : son contenu, de bout en bout, est donc un message de victoire ; mais tout est codé. Dans cette vision de la femme et du dragon, le combat est bien là, les forces du mal sont représentées par le « dragon rouge-feu » déchaîné jusque dans le ciel même. À certains moments, ce dragon rouge-feu peut donner l’impression d’avoir la victoire ; mais il n’ira pas plus loin. Il est posté « devant la femme afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. » Cet enfant est bien le Messie.

L’image suivante, celle de l’enlèvement de l’enfant « auprès de Dieu et de son trône » symbolise la Résurrection du Christ ; elle était claire pour les premiers Chrétiens habitués à parler de lui comme le « Premier-Né » désormais assis à la droite de Dieu. Comme le dit Jésus dans l’Évangile de Jean : « Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux restent dans le monde, tandis que moi je vais à toi. » (Jn 17, 11)

Ce monde est difficile, mais nous sommes assurés de la protection de Dieu : si le dragon a échoué dans le ciel, il ne peut réussir sur la terre. La victoire de Jésus sur le péché et la mort, qui nous est communiquée dans le baptême, doit advenir encore tout au long de notre vie, dans tous nos combats. La phrase d’Élisabeth dans l’évangile reprend au moins partiellement une phrase de l’Ancien Testament : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ! »

C’est dans le livre de Judith (Jdt 13,18-19) : quand Judith revient de l’expédition dans le camp ennemi, où elle a décapité le général Holopherne, elle est accueillie dans son camp par Ozias qui lui dit : « Tu es bénie entre toutes les femmes et béni est le Seigneur Dieu ! »

Marie est donc comparée à Judith. Marie est la femme victorieuse qui assure à l’humanité la victoire définitive sur le mal. Dans notre combat, nous pouvons nous appuyer sur l’aide de Marie.

Avec le baptême, nous contemplons le point de départ de la vie chrétienne, avec l’Assomption de Marie, son point d’arrivée.

3] Le dernier mot sur lequel j’aimerais méditer brièvement avec vous est celui d’espérance. En ce jour, nous contemplons Marie au terme de son chemin. Déjà Marie est ressuscitée : c’est ce que l’on célèbre en ce jour de l’Assomption. L’Assomption ? C’est Pâques pour Marie. Marie est soustraite définitivement à l’emprise de la mort. Marie entre au Ciel non pas seulement avec son âme mais aussi son corps. Pour nous, c’est encore en espérance. Déjà la grâce du baptême nous travaille. Mais nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin. Le rôle de Marie à l’égard du peuple pérégrinant de Dieu peut être comparé à celui de la nuée lumineuse : réconfort le jour et lumière la nuit.

 « Notre vie, vue à la lumière de Marie emportée au Ciel, n’est pas un vagabondage dépourvu de sens mais un pèlerinage, lequel, en dépit de toutes ses incertitudes et de toutes ses souffrances, a un terme assuré : la maison de notre Père, qui nous attend avec amour. Il est beau de penser que nous avons un Père, qu’il nous attend avec amour et que notre Mère Marie elle aussi est là-haut et qu’elle nous attend avec amour. » (Pape François, 15 août. 2015)

Cela nous fait du bien de voir quelqu’un qui est déjà arrivé. Cela nous montre que – avec la grâce de Dieu –, c’est possible. C’est d’ailleurs pour cela que dans la procession avec la statue de Marie au début de cette célébration, nous avons mis la statue de Marie en premier. Comme le dit le cantique, Marie est la « première en chemin ». Marie nous indique la bonne direction à prendre. C’est d’ailleurs pour cela que le chapitre concernant Marie est le dernier de ce document sur l’Église (n° 59 et 68 de Lumen Gentium). Nous y lisons :

Nous ne devons pas nous décourager pour y parvenir. Marie qui y est déjà ne pense qu’à une chose : nous y faire entrer.  « Marie brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage » (LG 68)

Comme le dit le curé d’Ars : « L’homme était créé pour le ciel. Le démon a brisé l’échelle qui nous y menait. Notre Seigneur, par sa Passion, nous en a formé une autre… Et la Sainte Vierge est en haut de l’échelle et la tient à deux mains ». (ibid.) J’aime bien cette image. On voit quelques fois des gens qui montent à l’échelle dans le cerisier mais c’est un peu fragile, le cerisier se retrouve à terre. Mais nous on a quelqu’un qui est là-haut qui tient bien l’échelle là-haut ! Et voilà on ne va pas tomber parce qu’elle tient bien l’échelle pour aller au Ciel.

En guise de conclusion… Aujourd’hui, nous nous réjouissons que Marie soit montée au Ciel. Mais elle n’a pas pris pour autant de la distance avec nous. Comme le dit magnifiquement Benoît XVI :

« Marie est élevée corps et âme à la gloire du ciel et avec Dieu et en Dieu, elle est Reine du ciel et de la terre. Est-elle si éloignée de nous ? Bien au contraire. Précisément parce qu’elle est avec Dieu et en Dieu, elle est très proche de chacun de nous. Lorsqu’elle était sur terre, elle ne pouvait être proche que de quelques personnes. Étant en Dieu, qui est proche de nous, qui est même « à l’intérieur » de nous tous, Marie participe à cette proximité de Dieu… Elle nous écoute toujours, elle est toujours proche de nous, et, étant la Mère du Fils, elle participe de la puissance du Fils, de sa bonté. » (Benoît XVI assomption 2005).

Abbé Willy Mirindi

Homélie pour l’Assomption de la Vierge Marie 2024

15 août 2024