Homélies/Méditation

Lorsque nous n’avons plus de sortie de secours,

Jn 6, 1-15 La multiplication des pains est le seul miracle de Jésus qui nous soit rapporté (et à six reprises !) par les quatre évangiles. C’est dire l’importance que lui attribuaient les premiers chrétiens. 

Le pain, nécessaire pour vivre, a toujours été au centre du message du Christ. C’est pourquoi il l’a inclus dans la prière du Notre Père : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Le Christ savait que l’être humain a d’abord besoin de manger et de boire avant tout autre chose. Bien sûr, nous ne vivons pas seulement de pain mais aussi d’amour, d’amitié, de paix et d’harmonie, mais, sans le pain de chaque jour, il est impossible d’apprécier les autres bonnes choses de la vie. Dans l’évangile de ce dimanche, le Christ nourrit une foule de gens affamés et nous invite à réfléchir sur la faim dans le monde : « Où nous procurerons-nous le pain nécessaire pour nourrir tous ces gens ?»

En Palestine au temps de Jésus, la nourriture n’était pas très abondante et la famine menaçait continuellement. Rien n’a beaucoup changé dans notre monde d’aujourd’hui. On a l’impression que le problème de malnutrition et de famine s’est accentué. En 1900, la population mondiale était de 1.6 milliard. Nous atteignons maintenant 7 milliards ! La faim tue chaque année des millions de personnes, plus que le VIH, la malaria, la Covid 19 et toutes les autres maladies infectieuses réunies.

Les famines se multiplient dans des douzaines de pays, même si nous cultivons assez de nourriture dans le monde pour permettre à chaque homme, femme et enfant de recevoir les 3000 calories nécessaires à la survie. Les gens meurent de faim, non pas parce qu’il n’y a pas assez de nourriture, mais à cause d’une distribution injuste. Il y a peu de temps, une enquête affirmait que 2% de la population possèdent actuellement 50% des revenus et un quart de l’humanité accapare les trois quarts des ressources de notre planète.

Les pays riches sont plus intéressés à vendre des armes aux pays pauvres, que de les aider à sortir de leur sous-développement et de leur misère. Avec ce que coûte un porte-avions, on pourrait acheter 3 mille tonnes de grain. Et pour le prix d’un bombardier, on pourrait construire trente écoles ! Imaginez ce que pourrait être notre monde si les montagnes d’argent dépensées en armements, en fraude, étaient mises au profit de ceux et celles qui sont dans le besoin.

Devant les énormes problèmes de manque de nourriture, nous nous sentons totalement impuissants. Le Christ demande à Philippe : « Où pouvons-nous acheter du pain pour que tous ces gens puissent manger ?» Philippe calcule l’énorme somme d’argent qui serait nécessaire et que l’on n’a pas. André signale les provisions d’un petit garçon, tellement insignifiantes vu les besoins ! Mais Jésus a trouvé ce qu’il cherchait dans ce petit garçon anonyme. Lui au moins ne calcule pas comme les grandes personnes et il a généreusement présenté la collation que sa maman lui a donné pour son excursion. Cinq pains d’orge (le pain des pauvres) et deux poissons ! La situation est catastrophique ! Que faire ?

Jésus est bien obligé de reprendre les choses en main, car les disciples sont à court d’idée. Lorsque nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir, lorsque nous n’avons plus de sortie de secours, et bien alors Dieu peut agir. « Un saint, c’est quelqu’un qui n’a plus d’autre solution de rechange que la supplication ».

Nous, nous avons toujours quelque petite solution de rechange, de notre côté, pour le cas où la supplication ne marcherait pas ! C’est pour cela que notre prière n’a pas la force et la puissance qui renversent les montagnes, force et puissance qu’on rencontre parfois chez des petits et des humbles, des gens qui vont à Banneux, à Beauraing, à Lourdes, à la rue du Bac, par exemple. Les pauvres gens n’ont plus rien, c’est leur seule carte à jouer, alors ils misent tout sur la prière et ils obtiennent tout. Si notre supplication n’a pas cette force désespérée qui renverse les montagnes, et les précipite dans la mer, c’est que nous gardons une solution de rechange, nous ne nous livrons pas tout entier à cette prière. » (Jean Lafrance)

La multiplication des cinq pains et des deux poissons est l’image de l’Eucharistie. A ce propos, Saint Jean-Marie Vianney, le curé d’Ars a dit : « Il n’y a rien de si grand, mes enfants, que l’Eucharistie ! Mettez toutes les bonnes œuvres du monde contre une communion bien faite ; ce sera comme un grain de poussière devant une montagne. Celui qui communie se perd en Dieu comme une goutte d’eau dans l’océan. On ne peut plus les séparer.

Quand nous venons de communier, si quelqu’un nous disait : « Qu’emportez-vous dans votre maison ? », nous pourrions répondre : « J’emporte le ciel. » Un saint disait que nous étions des Porte-Dieu. C’est bien vrai, mais nous n’avons pas assez de foi. Nous ne comprenons pas notre dignité. Quand on reçoit la sainte communion, on sent quelque chose d’extraordinaire, un bien-être qui parcourt tout le corps et se répand jusqu’aux extrémités. Qu’est-ce que ce bien-être ? C’est Notre Seigneur qui se communique à toutes les parties de notre corps et les fait tressaillir. Nous sommes obligés de dire, comme Saint Jean : « C’est le Seigneur ! » Eh bien, le paradis est dans le cœur habité par Dieu.

Abbé Willy Mirindi

Homélie pour le 17ème dimanche ordinaire

28 juillet 2024