Homélies/Méditation

Comme un serpent de bronze…

… le Christ a été dressé sur la Croix pour notre guérison. Au cours de son homélie du 10 mars, l’abbé Willy nous a fait pénétrer profondément dans ce mystère du Mal et de la Guérison.

Jn 3, 14-21 Le message central de ces paroles de Jésus est que Dieu aime le monde. C’est le cœur de son Évangile. Ce doit être aussi le cœur de toute évangélisation –qu’on la considère ancienne ou nouvelle. « Dieu a tant aimé le monde… », dit Jésus. Ce monde, c’est celui dans lequel il est lui-même né ; c’est aussi le monde dans lequel nous vivons. Ce monde que nous formons tous ensemble, avec ses conflits et ses contradictions, ses grandeurs et ses petitesses, capable du meilleur et du pire, Dieu l’aime. Il l’aime tel qu’il est. C’est à ce monde qu’il a donné son Fils, par amour.

 J’aime beaucoup Nicodème, parce qu’il est vraiment l’un d’entre nous. C’est un croyant ambigu. Il croit, mais n’a pas le courage d’assumer toutes les conséquences de sa foi. Étant docteur en Israël, il connaît les Écritures. Il peut donc observer que Dieu est vraiment avec ce Jésus de Nazareth ; mais il ne va pas jusqu’à reconnaître Dieu en Jésus. Il vient à lui afin d’apprendre de lui ; mais il vient de nuit. C’est un chercheur ; mais un chercheur dans l’obscurité. Sa foi va croître ; mais il restera toujours un peu ambigu. Il se sent proche de Jésus, mais reste loin de lui. Il sera au Jardin des Oliviers au moment de la sépulture de Jésus, mais pas trop proche. Et pourtant Jésus le prend là où il est dans son cheminement et le conduit plus loin, en avant. Tout comme Il fait avec nous lorsque nous allons nous aussi vers Lui dans nos ténèbres.

« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé… »

Parmi tous les animaux, le serpent, dans la Bible a été identifié au mal.  Souvenez-vous dans le 1° livre de la bible, c’est le serpent qui a séduit Eve, l’entraînant dans le péché et la mort.

Un autre passage de la bible (2elivre: Exode) nous raconte ce qu’a vécu le peuple hébreu traversant le désert après avoir quitté l’Egypte.  Ce peuple n’est pas fidèle à Dieu.  Il lui envoie des serpents à la morsure mortelle.  Mais, en même temps, Dieu dit à Moïse de confectionner un serpent de bronze, de le suspendre à une potence, (un échafaud) pour que tous ceux qui le regarderont soient sauvés de la mort.

Que signifie donc cette mise en scène ?

Le serpent est l’animal qui fait peur parce que sa morsure est mortelle mais aussi parce qu’il est caché, qu’il surprend et surgit de manière traître (sournoisement).  Il est toujours prêt à distiller son poison mortel.  C’est la raison pour laquelle le serpent est devenu le symbole du mal, du péché.

De la même manière, le mal est présent partout souvent de façon sournoise, sans s’étaler au grand jour.  Celui qui commet le mal cache son visage, agit pendant la nuit, rase les murs un peu comme le serpent est caché dans le sable ou dans les hautes herbes.

En comparant Jésus en croix au serpent, St. Jean fait un parallèle avec ce que les Hébreux ont vécu dans le désert.  St Jean souhaite exprimer que Jésus porte sur lui toutes les faiblesses, tout le péché du monde.  Il est sensible au mal.  Aucun mal ne le laisse indifférent.

De la même manière que Moïse a élevé le serpent sur un poteau à la vue de tout le peuple, de même Jésus a été élevé sur un gibet  au sommet d’une colline de Jérusalem (le Golgotha) pour être vu des foules nombreuses à ce moment vu la proximité de la fête de la Pâques juive.

Notons que ce gibet restait en permanence sur le Golgotha.  Les condamnés portaient une poutre du tribunal jusqu’au Golgotha..  Là, leurs mains étaient clouées sur cette poutre .  Ensuite les bourreaux hissaient cette poutre au sommet du gibet vertical et enfin clouaient les pieds du condamné sur ce gibet.  Le motif de la condamnation était mentionné au sommet du gibet. Mais pourquoi donc exposer et regarder cette horreur ? En quoi ce regard élevé sur le mal peut-il sauver ?

Regarder Jésus sur la croix, c’est regarder le mal en face, c’est refuser de se voiler la face devant la souffrance du monde comme les autruches qui s’enfoncent la tête dans le sable.

Regarder le mal, c’est accepter d’être lucide, sur le mal qui se trouve chez les autres mais aussi d’être conscient du mal qui se trouve en chacun de nous.

Comment, en effet, voulez-vous combattre un adversaire si vous ne le voyez pas ? Si le mal reste caché, si le mal n’est pas reconnu, il fait peur, angoisse et reste très dangereux.   La première chose à faire pour se débarrasser du mal, c’est de le repérer et de le regarder lucidement, consciemment, de le reconnaître. (autrement dit sortir du déni.)

C’est le sens  de toutes les célébrations de pardon.  Elles n’ont pas pour objectif de nous culpabiliser, ni de nous faire comprendre que nous sommes mauvais et bons à rien, mais de nous permettre de regarder ensemble lucidement avec l’aide de Dieu le mal qui est autour de nous mais aussi en nous.

Lorsque le serpent est caché, il reste dangereux.  Dès que nous le démasquons, (le voyons) , après un moment de stupeur et d’effroi, nous pouvons réagir, l’éviter et l’expulser.

Avant de vivre la résurrection, le jour de Pâques, il nous faut donc d’abord lever les yeux vers la croix symbole de mort, c’est-à-dire regarder avec courage et audace le mal qui germe en nous insidieusement, de manière cachée tout autant que dans le monde, ce mal que nous devons combattre pour ensuite célébrer dans 3 semaines la victoire de la vie sur le mal et la mort.

Abbé Willy Mirindi

Homélie pour le dimanche de Laetare 

10 mars 2024

Esprit de Dieu, attire nos regards vers Celui qui a été “élevé de terre”. Répands en nous l’Esprit du Christ et fais-nous revivre avec lui. Amen