Evangile selon Saint Marc
Le 29 novembre, premier dimanche de l’année liturgique, nous avons quitté l’évangile selon Matthieu et ouvert celui selon Marc. L’évangile selon Matthieu est réputé être un récit écrit par et pour les juifs chrétiens de Jérusalem. Celui selon Marc, que nous ouvrons aujourd’hui, a été écrit à Rome alors que Pierre vient de mourir et vraisemblablement par un de ses collaborateurs directs que la tradition nomme Jean-Marc. Cet évangile est le plus ancien des trois évangiles synoptiques. Sa rédaction se situe quelque part entre la mort de Pierre vers 65 et l’année 70. L’évangile selon Mathieu, rédigé un peu plus tard, entre 70 et 100, contient 80% du matériel de l’évangile selon Marc. Puis l’évangile selon Luc, rédigé environ 20 ans après Matthieu, contient encore 55% du matériel de celui de Marc. S’il est communément admis qu’il y avait une source commune perdue à ces trois évangiles synoptiques, certains se demandent si le texte de Marc ne serait pas tout simplement cette source.
Ces évangiles sont donc des récits écrits au moment où progressivement disparaissent les premiers témoins de la vie de Jésus. Avant cela, le témoignage oral de ceux qui l’avaient côtoyé suffisait et les premiers écrits sont avant tout des lettres d’enseignement et d’encouragement envoyées aux différentes communautés, églises, naissantes par des pasteurs itinérants comme les apôtres ou Paul.
Le récit que nous allons suivre au cours des 12 prochains mois, a été rédigé à Rome. Pierre vient de mourir, il faut continuer son témoignage, son enseignement. Pour ces chrétiens des premières générations, ce qu’a apporté le Christ, son Évangile, Sa Bonne Nouvelle n’a que faire d’un récit simplement biographique de la vie de Jésus de Nazareth. La chose qui importe, c’est la merveille extraordinaire, révolutionnaire, de l’Enseignement, du Message, de la Bonne Nouvelle qui doit être transmise. Le reste est trivial et n’a pas d’intérêt. Ce que le Christ apporte est une révolution dans la manière d’entrer en relation avec Dieu et cela ne relève pas de l’enseignement d’une théorie, d’une pratique ni même d’une religion et encore moins d’un récit historique. Le témoignage est celui d’un mystère perpétuellement renouvelé, mystère du Salut apporté par Dieu lui-même qui se fait homme.
Mais comment transmettre l’indicible, le rationnellement incompréhensible. C’est le défi auquel se confronte Marc. Son évangile va alors se développer autour d’une interrogation centrale «Qui est le Messie?» dans le sens «Le Messie c’est quoi ?». Et il y aura tout au long du récit des réponses incomplètes et immédiatement contredites jusqu’à ce qu’un simple trouffion, un étranger, un non-juif de surcroit, s’exclame, ébahi devant un corps supplicié, : «Vraiment, cet homme était Fils de Dieu !». «’t Is straf !» dirait-on à Bruxelles, «c’est du lourd».
L’évangile selon Marc est donc un texte court, rude et très construit. Il ne se veut pas un récit biographique de Jésus. C’est une tentative de mise en perspective des évènements de vie, guérisons, paraboles et enseignements (pas toujours tendres) de Jésus pour essayer de transmettre, en le gardant aussi vif et vivant que possible, Jésus lui-même ou plutôt le Messie, Fils de l’Homme, Fils de Dieu, le Salut de Dieu.
Donc Marc, estimant inutile de dire quoique ce soit de la vie de Jésus avant son baptême, commence son récit, après une courte introduction de huit versets, par «En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain.». Il l’achèvera par la découverte du tombeau vide ; pas de vision du ressuscité mais la parole d’«un jeune homme vêtu de blanc», en laquelle nous devons croire sans avoir vu. Cette parole est un message : «Il est ressuscité : il n’est pas ici. » et il ajoute «Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.»
Partis de Galilée, nous retournons en Galilée, nous devons y retourner pour le voir. Puis l’écrit de Marc se termine par cette phrase
«Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.» Et tant que cette peur, cette crainte de Dieu, existe, il nous faut tout reprendre jusqu’à ce que nous LE voyions comme IL nous l’a dit.
Bien plus tard, pour «compléter» cet évangile, magnifique mais brut, douze versets ont été ajoutés pour ne pas terminer sur l’âpreté de la fin écrite par Marc. Comme tout dans ces versets est orthodoxe, ils ont été maintenus en l’état.
Cette année il nous faut relire cet évangile selon Marc alors pourquoi ne pas le lire , au moins une fois, dans son intégralité. Cela devrait prendre environ deux heures. Pourquoi ne pas profiter de notre retraite sanitaire forcée pour se lancer ce petit défi ? Mais avant d’entreprendre cela, je vous conseille de trouver 50 minutes pour regarder la vidéo ci-dessous. Réalisée par KTO, c’est un dialogue passionnant à propos de cet évangile entre le père Camille Focant, prêtre du diocèse de Namur, professeur d’exégèse du Nouveau Testament à l’université catholique de Louvain, et le père Gérard Billon, responsable du service biblique catholique “Évangile et Vie”.
ou encore celle-ci un peu plus didactique, réalisée par l’église catholique du Val-d’Oise, dans laquelle le P. Damien Noël, bibliste, donne des clefs pour une lecture éclairée de l’évangile selon Marc.
Une
phrase
pour tout dire.
La traduction courante du premier verset de l’évangile selon Marc donne : «Commencement de l’évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu.»
Cependant certains exégètes remarquent qu’il n’y a qu’un génitif dans ce verset alors que le traducteur en met deux. Celui entre l’évangile et Jésus est supposé par la traduction. De plus le mot évangile à perdu de son lustre et de sa pertinence avec le temps. Dès lors ces mêmes exégètes proposent de lire ce premier verset de la façon suivante :
«Commencement de la Bonne Nouvelle : Jésus, Christ, Fils de Dieu»
Alors cette phrase résume tout le message que l’évangile selon Marc veut nous faire comprendre. Il ne s’agit pas de la Bonne Nouvelle de Jésus, celle qu’il nous enseigne. C’est Jésus qui est le commencement de la Bonne Nouvelle. Jésus est l’évangile, la bonne nouvelle.
La vie de Marc
(selon les diverses traditions chrétiennes)
Marc serait né dans la ville de Cyrène (dans la Libye actuelle), trois ans après la naissance de Jésus. Son nom juif est Jean, Marc n’étant que son nom ou surnom romain. Ses parents auraient immigré en Palestine peu de temps après sa naissance. Ils se seraient installés à Cana en Galilée. Marc aurait été un des intendants qui servaient au cours des noces, théâtre du premier miracle de Jésus. Quelques années après leur installation à Cana, le père de Marc meurt et Pierre qui était marié à une parente du père de Marc prend soin de lui, le considérant comme son fils. Lorsque Pierre s’évade de la prison où l’avait jeté Hérode Agrippa, il habite avec sa mère, figure déjà reconnue de l’Église de Jérusalem, leur maison servant de lieu de réunion pour les premiers adeptes de Jésus. La Première épître de Pierre raconte comment Marc accompagne Pierre à Rome surnommée «Babylone».
Il est cousin de Barnabé, lévite, ce qui permet d’expliquer que dans la préface de son Évangile dans les manuscrits de la Vulgate, Marc est présenté comme ayant été un prêtre juif. Ils appartiennent à une famille sacerdotale, tout comme Jean le Baptiste, Jésus, Jacques le Juste et leurs autres frères et parents directs.
Jean-Marc suit Barnabé et Paul lors du premier voyage missionnaire de Paul. À Pergé, Marc quitte le groupe et repart pour Jérusalem. Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard que Marc retrouve Paul alors prisonnier à Rome. Marc est devenu entre temps, à Rome, le disciple, le secrétaire et le compagnon inséparable de l’apôtre Pierre jusqu’à sa mort en 65. Il dirige alors des communautés juives de Rome. Il compte ensuite parmi les «collaborateurs» de Paul qui l’appelle à ses côtés à la fin de sa vie. Paul meurt en 67.
Il quitte l’Italie pour retourner « enseigner » dans la Pentapole de Libye, en Cyrénaïque, et en Égypte où il fonde l’Église d’Alexandrie dont Il devient le premier évêque. Il serait mort un 25 avril vers 68-75. Ses reliques auraient été conservées dans une chapelle du petit port de pêche de Bucoles proche d’Alexandrie où il aurait été exécuté. C’est dans ce lieu saint que les patriarches venaient se faire ordonner.
Saint Marc et le Lion
Traditionnellement, les quatre évangélistes sont représentés sous formes allégoriques du tétramorphe : l’ange pour saint Matthieu, l’aigle pour saint Jean, le taureau pour saint Luc, le lion pour saint Marc.
Cette représentation est inspirée par une vision du prophète Ézéchiel, chapitre 1, et par la description des Quatre Vivants au chapitre 4 de l’Apocalypse selon saint Jean. Le Lion est affecté à Saint Marc en référence au verset 3 de son évangile : « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » Il n’y a pas explicitement de lion dans ce verset mais en revenant à l’Apocalypse (chapitre 10) on peut lire: «… il cria d’une voix forte, comme rugit un lion…».
L’attribution des 4 animaux aux 4 évangélistes ne s’est stabilisée que progressivement. Dans un premier temps des traditions chrétiennes, l’aigle a également été le symbole de Marc. C’est pour cela que son lion est généralement ailé. Les ailes symbolisent l’élévation spirituelle. De plus, elles sont couvertes d’yeux, attributs des chérubins, en référence au même chapitre 4 de l’Apocalypse de Jean : « Les quatre Vivants ont chacun six ailes, avec des yeux innombrables tout autour et au-dedans. »